Alexia Bertrand (Open VLD) : “Si le fédéral reste en affaires courantes pendant des mois, on va se prendre un mur budgétaire”
Au fédéral, les discussions « Arizona » vont reprendre mais elles risquent d’être tendues. En attendant un éventuel nouvel échec, les libéraux flamands restent au bord de la route. Alexia Bertrand (Open VLD), secrétaire d’État au Budget au sein du gouvernement De Croo, en affaires courantes, revient sur cette intense séquence politique.
- Publié le 16-11-2024 à 07h00
Face au refus de négocier de Conner Rousseau, l’Open VLD avait été contacté par le formateur Bart De Wever afin de constituer une majorité fédérale « Lagon » (N-VA, MR, CD&V, Open VLD, Engagés). Mais, ce vendredi, Conner Rousseau, le président de Vooruit, a accepté de reprendre les discussions en vue d’une « Arizona » (N-VA, MR, CD&V, Vooruit, Engagés). Votre parti est désormais mis de côté. Ce ne doit pas être très gratifiant de servir de rustine…
On ne voit pas les choses comme cela. En juin, nous avons dit immédiatement que nous n’avions pas gagné les élections. Nous estimions naturel de nous retrouver dans l’opposition. Nous ne sommes demandeurs de rien, Eva De Bleeker (présidente de l’Open VLD) l’a répété. Une majorité « Lagon » avec 76 sièges sur 150 avec des pouvoirs spéciaux ou une loi-programme ? Il va vraiment falloir qu’on nous explique comme cela pourrait fonctionner… Si les négociateurs « Arizona » se remettent à table, tant mieux, bonne nouvelle.
Tant mieux ? L’Open VLD ira alors dans l’opposition et vous vous en réjouissez ?
L’opposition n’est pas synonyme de drame. Vooruit était dans l’opposition en Flandre, les Engagés également du côté francophone. Et ils sont revenus en force. L’Open VLD a besoin de temps pour sa refondation. Depuis juin, la balle n’est pas dans notre camp. Vu la situation budgétaire, nous étions même consternés de voir que les discussions « Arizona » n’avançaient pas après cinq mois de palabres.
Un gouvernement de centre droit sans les socialistes et avec l’Open VLD à bord (la coalition « Lagon », donc) vous aurait permis d’appliquer votre programme.
C’est vrai mais cette coalition demanderait que nous figurions vite à la table des négociations pour discuter des réformes en matière de pensions, de marché du travail, etc. Ce ne sera pas le cas. C’est interpellant de voir qu’aux États-Unis, il est question de baisser drastiquement les dépenses publiques, qui représentent 26 % du PIB, alors qu’elles sont déjà bien plus basses qu’en Belgique. Pour avoir vécu aux USA, je sais que nous n’avons pas les mêmes services publics ni la même sécurité sociale. Mais la Belgique est, en Europe, parmi les pays qui ont la plus haute proportion de dépenses publiques – 54 % du PIB, c’est gigantesque ! – avec la Finlande, la France et l’Italie qui font moins bien que nous. Il va falloir baisser les dépenses publiques. J’espère que le futur gouvernement va le faire. Mais j’entends que l’on parle d’augmenter les impôts, au contraire. C’est une solution facile et qui n’est pas la bonne.
Mais est-ce possible d’équilibrer le budget sans lever de nouveaux impôts ? Il faudra trouver 25 milliards d’euros sur la législature…
Et même 27,5 milliards, selon les derniers chiffres. Certains négociateurs estiment que ce n’est plus que 16 milliards d’euros. Ils comptent sur les « effets retour » des futures politiques. Il faudra avoir un dialogue technique avec la Commission européenne à ce sujet. Si c’est 16 milliards au lieu de 27,5, alors, équilibrer les comptes sera du gâteau. Pour peu que des réformes soient menées – ce qui ne sera pas difficile sans le PS, Écolo et Groen dans la future coalition –, c’est vraiment faisable. Dans la Vivaldi, ce qui a été compliqué, c’était de gouverner avec le PS qui ne voulait absolument rien faire en matière de pension. Je suis beaucoup plus sociale que les socialistes, car je sais que si on ne remet pas de l’ordre dans la sécurité sociale et surtout dans les pensions, il n’y aura plus de sécurité sociale. On va droit dans le mur : sur les gros postes de la Sécu, d’ici à 2029, les pensions augmentent de près de 15 milliards d’euros mécaniquement, 8 milliards en soins de santé, 3 milliards en maladie-invalidité… Si le fédéral reste en affaires courantes pendant des mois, on va se prendre un mur budgétaire.
guillement Je suis beaucoup plus sociale que les socialistes car je sais que si on ne remet pas de l’ordre dans la sécurité sociale et surtout dans les pensions, il n’y aura plus de sécurité sociale.«
Si une nouvelle équipe fédérale n’est pas rapidement mise en place, on passera l’année 2025 en régime de « douzièmes provisoires ». Un régime qui repose sur la simple reconduction du budget 2024, faute d’accord politique. On perdra une année de réforme.
Passer en douzièmes provisoires, ce serait dramatique car cela veut dire que nous n’avons pas de budget 2025. La Belgique sera comme un bateau qui dérive au vent. Chaque mois qui est perdu est un drame. Surtout en matière fiscale où certaines règles ne peuvent s’appliquer que pour l’année d’après, car on doit travailler sur une année fiscale complète.
Eva De Bleeker a soutenu sur les réseaux sociaux les propos radicaux de Trump en matière de réduction des dépenses publiques, elle voudrait appliquer les mêmes recettes en Belgique. Mais est-ce possible ?
Je ne serai jamais une fan du personnage ni de son style, mais toutes les idées de Donald Trump ne sont pas mauvaises. Heureusement. Ce qui est intéressant dans sa proposition, c’est qu’il veut réfléchir avec des personnalités qui ont une expérience dans le secteur privé afin de faire bouger les choses au sein de l’État. Je ne sais pas ce que cela va donner aux USA, mais Eva De Bleeker a raison de réclamer plus d’efficacité en Belgique, vu notre niveau de dépenses publiques.
guillement Je ne serai jamais une fan du personnage ni de son style, mais toutes les idées de Donald Trump ne sont pas mauvaises. Heureusement.«