Vendée Globe 2024 : « On avait les fesses qui faisaient bravo »… Nouveau leader, Nicolas Lunven a fait peur à son équipe
La prochaine fois que vous vous trompez de chemin sur la route de vos vacances, restez serein et rassurez votre partenaire : « Oui, on s’est écarté de la route principale, mais ce n’est rien, ça va nous permettre d’arriver avant tout le monde. » Devant la moue dubitative de votre copilote, n’hésitez pas à sortir la carte joker de votre poche : « On va faire comme Nicolas Lunven sur le Vendée Globe. »
Ce jeudi en fin d’après-midi, le skipper de Holcim-PRB est devenu le nouveau leadeur de la course autour du monde, avec une quinzaine de miles d’avance sur Yoann Richomme, toujours aux avant-postes depuis le départ des Sables-d’Olonne, dimanche. Tout le contraire de Lunven, qui était même classé avant dernier lors du passage du cap Finisterre, au large du Portugal, il y a deux jours.
Pour éviter les désagréments du Dispositif de séparation du trafic (DST) au Cap Finisterre, le Breton a décidé de mettre le cap à l’ouest. Très très à l’ouest, au point de ‘presque) voir la statue de la Liberté. « Je ne voulais vraiment prendre aucun risque, expliquait Lunven à Classe Imoca. Le passage interne du DST me semblait trop risqué de nuit, avec toutes les manœuvres, le vent, le trafic côtier et les cargos. J’ai donc opté pour une route plus sûre, même si elle était légèrement moins favorable. »
Le roi de la météo
Le petit coquin n’avait pas du tout averti son équipe de cette option, faisant flipper un peu tout le monde à terre. « Au sein de l’équipe, on a eu un peu peur, on a eu un peu les fesses qui faisaient bravo, nous confie Baptiste Chardon, directeur technique d’Holcim-PRB. Mais on s’est dit que, globalement, en météo, il était nettement plus fort que nous. C’est sûr que c’est quelque chose que lui a préparé, mais en tout cas, nous, l’équipe technique, ce n’est absolument pas quelque chose que nous avons préparé avec lui. »
Avec des vents moins forts, un écart de 230 milles des côtes, et un problème de safran qui l’a forcé à s’arrêter deux à trois heures, on imaginait Nicolas Lunven parti pour un tour du monde de galères. Que nenni. Après avoir mis le cap au sud, pour éviter de finir sur les plages de Cancun, le skippeur a remonté toute la flotte par l’ouest. Par quel miracle ?
« « L’avantage, c’est qu’il n’a eu à faire qu’un ou deux empannages [une manœuvre qui permet de changer de bord en vent arrière], et puis après un grand tout droit, détaille Baptiste Chardon. Charlie Dalin, je crois qu’il a fait 16 ou 17 empannages en vingt-quatre heures. A un moment donné, un empannage, ça prend vite vingt-cinq minutes, il faut tout ranger, c’est de la fatigue, c’est de l’usure. Même si c’était moins gagnant sur le routage, Nico s’est simplifié la vie. » »
On préserve le bateau, mais…
Au point que ce « tout droit » lui a permis de décrocher le record de milles parcourus en vingt-quatre heures pour un Imoca : 546,6 milles nautiques (soit 1.012,3 km) et une première place, cette fois en étant l’un des plus à l’est de la flotte, un jour plus tard, devant les Richomme, Dalin ou Ruyant. De quoi avoir des ambitions pour la victoire finale ? « Je pense que la philosophie de Nico, c’est quand même essayer de préserver la monture, reprend le directeur technique. Les anglo-saxons ont une belle phrase, ils disent “to finish first, first you have to finish” (pour finir premier, tu dois en premier finir). »
Mais on n’est pas à l’abri d’une autre trajectoire de dingue de la part du Breton. Et, si vous voyez sur la cartographie de la course un bateau partir à l’opposé de la concurrence, vous pouvez être presque certain qu’il s’agit de l’Imoca de Nicolas Lunven. « Il ne faut pas oublier que Nico est un compétiteur, conclut Chardon. Il ne sera peut-être pas le mec qui tirera le plus sur le bateau comme un dingue. Par contre, en matière de météo, je pense qu’il est incroyablement fort » Donnez-nous des bourrasques à l’opposé de la course qu’on se marre un peu.