Procès RN : La peine à « exécution provisoire » peut-elle ruiner la carrière politique de Marine Le Pen ?
La justice mettra-t-elle un coup d’arrêt aux ambitions présidentielles de Marine Le Pen ? La question se pose alors que le parquet a requis, mercredi, cinq ans de prison, dont deux ans de prison ferme, et cinq ans d’inéligibilité contre la présidente du RN. La peine réclamée pourrait surtout l’empêcher de se lancer dans la course à l’Elysée, le procureur, Nicolas Barret, ayant demandé à l’audience qu’elle soit assortie de l’exécution provisoire.
« C’est un outil voulu par le législateur que le magistrat utilise dans certaines situations. Au civil c’est désormais le principe. Comme les délais d’exécution sont parfois longs, l’exécution provisoire peut être prononcée dans un certain nombre de situations », explique à 20 Minutes Kim Reuflet, la présidente du Syndicat de la magistrature.
Eviter de « retarder sa mise à exécution »
Au pénal, « le magistrat peut la prononcer en première instance quand il estime que la sanction ou la décision rendue doit être appliquée immédiatement car elle ne doit pas être différée par un éventuel appel qui pourrait retarder sa mise à exécution de plusieurs années », poursuit la syndicaliste, ajoutant que « parfois elle est de droit, c’est-à-dire que ce n’est pas le magistrat qui décide de l’opportunité de la prononcer où pas, elle est automatique ».
Il n’est pas rare, dans les affaires politico-financières, que les juges demandent l’exécution provisoire d’une peine prononcée. C’était le cas notamment pour Jean-Noël Guérini qui avait été condamné en mai 2021, par le tribunal correctionnel de Marseille, à trois ans de prison dont 18 mois avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 3.000 euros d’amende, pour le trucage de marchés publics. Une décision confirmée par la cour d’appel en mars 2022, indiquait La Provence. En revanche, le conseil constitutionnel avait rappelé, en 2021, que l’élu sudiste pouvait continuer de siéger au Sénat tant qu’il n’était pas définitivement condamné par la justice, les faits reprochés étant postérieurs à son élection.
Deux possibilités
Pour la même raison, Marine Le Pen devrait rester députée si le tribunal correctionnel décidait de la condamner et de mettre à exécution la peine d’inéligibilité de façon provisoire. En revanche, la cheffe du parti d’extrême droite ne pourrait pas se représenter à des élections locales – comme des législatives anticipées – ou nationales avant un éventuel procès en appel, qui pourrait être organisé dans plusieurs mois.
Autre possibilité : le tribunal condamne Marine Le Pen mais décide de ne pas suivre les réquisitions du parquet en ne prononçant pas l’exécution provisoire de la peine. Si la députée nordiste fait appel, alors sa peine sera suspendue jusqu’au nouveau procès et elle pourrait faire campagne en attendant ce nouveau rendez-vous judiciaire.
Si la cour d’appel confirmait la décision prononcée en première instance, l’élue pourrait alors se pourvoir en cassation. Mais dans ce cas-là, l’exécution de la décision de justice ne serait pas suspendue.
Bardella, le « plan B » du RN
Si elle était in fine confirmée, cette peine d’inéligibilité marquerait-elle la fin de la carrière politique de Marine Le Pen ? « A-t-elle vraiment envie de continuer au-delà de 2027 ? La question se posait avant même le début de la procédure. On avait l’impression qu’elle avait envie d’y aller pour la dernière fois », remarque Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste de l’extrême droite, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques.
Il ajoute que « Jordan Bardella n’étant pas concerné par la procédure, le RN a un plan B ». « On peut considérer que d’ici 2027, il a le temps de faire son trou et qu’accessoirement, il parle à des CSP auxquels elle parle peu ou plus ». Et Jean-Yves Camus de s’interroger : « Qu’est-ce qu’il vaut mieux pour le RN ? Marine Le Pen qui se positionne, en théorie, au-delà de la droite et de la gauche ? Ou Jordan Bardella dont le livre vend l’union des droites ? ».
La principale intéressée, qui a investi beaucoup de son temps dans un procès qu’elle sait décisif pour elle, est apparue relativement sereine malgré les réquisitions, dénonçant toutefois la « volonté du parquet de priver les Français de la capacité de voter pour ceux qu’ils souhaitent ». Marine Le Pen sait aussi que le procès est loin d’être fini : les audiences reprendront lundi 18 novembre, avec les plaidoiries de la défense prévues jusqu’au mercredi 27 novembre, pour une décision du tribunal attendue début 2025. Cela lui laisse quelques espérances.