France

Sur les routes ou dans les champs, y a-t-il plus d’accidents de tracteurs qu’avant ?

Pas besoin de remonter très loin dans l’actualité récente pour en trouver. Les accidents impliquant un tracteur sont nombreux. Dans la Manche, un jeune homme de 16 ans grièvement blessé après la chute de 8 mètres de son engin. En Seine-et-Marne, une ambulancière elle aussi touchée après une collision sur la route. Ou encore, dans l’Aude, un sexagénaire retrouvé mort sous sa machine.

Les tracteurs causeraient-ils davantage de drame qu’avant ? Les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la Sécurité routière (ONISR) le confirment légèrement. En 2023, les forces de l’ordre ont ainsi enregistré 249 accidents impliquant des engins agricoles contre 233 en 2022. Mais il y en avait par exemple déjà 233 en 2019, ce qui montre une tendance globalement au statu quo.

Reste qu’une collision, ou un accrochage, avec un tracteur est souvent bien plus grave. « La mortalité est presque quatre fois plus forte que pour l’ensemble des accidents », écrit ONISR dans son bilan annuel en indiquant que « les mois de mai à octobre concentrent 67 % des accidents mortels ».

« C’est logique, c’est là où nous avons le plus d’activités, entre les semis, les moissons, les ensilages, les épandages, etc. Nous sommes forcément davantage sur la route et ça multiplie les risques », réagit Denis Laizé, le président de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire. Son département a vécu, mi-octobre, deux drames. Un jeune motard et une piétonne sont morts à trois jours d’intervalle, tous les deux percutés par un tracteur.

« Il faut presque le vouloir pour basculer »

« Je mets toutes les nuances possibles mais pour un des deux au moins, la conduite du tracteur n’est a priori pas en cause », poursuit le céréalier. « Un accident sur la route avec un tracteur, ça peut arriver comme pour une voiture ou n’importe quel autre véhicule. Et ça peut renvoyer à plein de choses : le manque de visibilité, la vitesse… »

Sur ce dernier point, les engins agricoles sont pour la plupart limités à 40 km/h. Avec une exception pour ceux qui circulent à vide, autorisés à foncer jusqu’à 60 km/h selon leur homologation. Cela concerne souvent les modèles les plus récents, toujours plus puissants, bien équipés et confortables.

« Les systèmes de freinages sont beaucoup plus évolués, la conduite largement facilitée avec une boîte automatique. Ce n’est vraiment pas difficile à manier », confirme un technicien alsacien de la marque John Deere, le leader du marché. Il l’assure : « Un tracteur qui se renverse, c’est très rare maintenant. Il faut presque le vouloir pour basculer. »

Perte d’« une certaine vigilance »

Ça dépend où et pour quelle activité. Certaines vignes, par exemple, peuvent être très pentues. « C’est surtout dans les hauts de rang que c’est dangereux », réagit Sébastien Lignier, tractoriste au domaine familial à Morey-Saint-Denis (Côte d’Or). « En plus, avec les nouveaux enjambeurs [tracteurs rehaussés], on a peut-être tendance à prendre plus de risques tellement on se sent protégé. Les cabines sont renforcées, il y a des caméras, la correction de dévers pour rectifier la pente. Tout est adapté pour qu’on travaille plus facilement mais ça peut faire perdre une certaine vigilance. On se sent moins confronté au danger donc on est moins prudent. »

Lui aussi l’assure, certaines périodes peuvent être bien plus accidentogènes que d’autres. « Dans notre métier, on est dépendant de la météo. On doit travailler vite à certaines périodes donc ça peut générer de la fatigue, des erreurs d’inattention, etc. » Aussi bien sur la route que sur leur lieu de travail.

En parle-t-on plus ?

A ce titre, les accidents du travail impliquant un tracteur « sont en baisse comparativement au nombre de travailleurs », signale la Mutualité sociale agricole (MSA), données à l’appui. Ainsi, chez les salariés agricoles, il y en a eu 511 en 2023 contre 540 en 2022. Chez les salariés non agricoles dont la MSA assure le régime de protection, elle dénombre 379 accidents avec tracteurs en 2023, près de cent de moins que l’année précédente (470).

« Des histoires avec des agriculteurs accidentés dans l’usage du tracteur au champ, tout le monde en connaît. Il y a aussi de nombreux autres accidents avec d’autres matériels. Un semoir, un big-bag qui tombe, ou quelqu’un qui se fait happer par une machine… », reprend Denis Laizé. « Mais il n’y en a pas plus qu’avant. C’est peut-être parce qu’on en parle davantage. »