France

Aquarium de Paris : « Les poissons ne sont pas des boules à facettes »… Une asso veut interdire les 200 fêtes annuelles

«Laissez-vous emporter par une ambiance envoûtante au cœur des profondeurs marines. » Le 31 octobre dernier, l’Aquarium de Paris promettait, à l’occasion d’Halloween, une fête digne des plus grandes discothèques à ses 2.000 convives. Une « boîte » un peu particulière puisqu’elle avait pour décor les bassins et animaux de la structure.

Un peu plus tôt dans la journée, l’association Paris Animaux Zoopolis s’est invitée aux festivités en mobilisant, devant l’Aquarium, des pancartes et banderoles « Je suis un animal, pas une décoration » ou encore « Je veux être libre », inscrit sur un poisson clown en carton.

Plus de 200 soirées par an

« Ce type de soirées montre une conception scandaleuse des animaux, explique Amandine Sanvisens, co-fondatrice de l’association, nous considérons que les animaux ne sont pas des boules à facettes que l’on présente en soirée. »

L'affiche de la soirée d'Halloween à l'Aquarium de Paris.
L’affiche de la soirée d’Halloween à l’Aquarium de Paris.  - Capture d’écran de la soirée d’Halloween

Pour justifier son opposition à la soirée, l’association met en avant le bien-être des animaux, exposés à la musique et ses vibrations, les lumières « agressives » et l’agitation des fêtards, soit un environnement à vingt mille lieues des conditions de vie naturelle des animaux, ou même d’aquariologie standard.

Surtout, cette soirée n’est pas une exception. En effet, si l’Aquarium communique aisément sur Halloween ou la soirée de réveillon du Nouvel an, ce sont en réalité près de 200 soirées par an qui sont tenues à l’Aquarium de Paris selon son président, Alexis Powilewicz joint par 20 Minutes qui se défend d’atteintes au bien-être des animaux.

Les cris d’enfants plus nuisibles que les soirées ?

« Tout est mis en place pour ne pas perturber les animaux. L’espace dans lequel se déroulent les soirées est souterrain. C’est un vase clos, donc il nous suffit d’adapter les lumières pour décaler leur rythme de vie des animaux. Que cela se passe en soirée ou dans la journée, cela ne change rien. »

Selon l’administrateur de l’aquarium, le bruit ne serait pas non plus un problème grâce aux vitres en méthacrylate de 35 centimètres d’épaisseur. « Les dernières études qu’on a faites sur le bruit ont étrangement montré qu’il y avait plus d’impact dans la journée, notamment avec les cris des enfants, que dans ces soirées. On a même changé les animations des enfants pour améliorer les conditions des animaux », argue-t-il. Ces études, 20 Minutes n’a pu les consulter, l’Aquarium les réservant à la section spécialisée sur les animaux de la préfecture de police de Paris.

Un business lucratif

Pour demander l’arrêt de ces soirées, dont beaucoup sont le fait de privatisations par des entreprises, la Paz s’appuie sur la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance et qui interdit de présenter des animaux domestiques ou non domestiques en discothèque. Cette même loi avait déjà amené le Moulin Rouge à renoncer à ses spectacles avec serpents.

Les défenseurs de la cause animale de Paris Animaux Zoopolis manifestent devant l'Aquarium de Paris le 31 octobre 2024.
Les défenseurs de la cause animale de Paris Animaux Zoopolis manifestent devant l’Aquarium de Paris le 31 octobre 2024. - PAZ

Mais selon le président de l’Aquarium, l’association fait fausse route sur ce point : « Elle interdit de présenter et d’exposer des animaux au milieu de l’espace de fête. Elle n’empêche pas de danser devant. Personne ne danse avec les animaux, pas plus que les danseurs n’accèdent aux bassins. Juridiquement, la discothèque et les bassins n’appartiennent pas au même espace, ce sont des locaux séparés. Sinon aucun festival en plein air ne serait autorisé en France, pas plus que la cérémonie d’ouverture des JO n’aurait pu se tenir sur la Seine. »

Pas de quoi convaincre Amandine Sanvisens qui voit là une simple torsion des mots pour justifier une activité lucrative : « Bien évidemment, ce monsieur n’est pas spécialiste des animaux mais chef d’entreprise. Son objectif est d’exploiter les animaux pour faire tourner son business. Je rappelle que les tables VIP se louent jusqu’à plus de 3.000 euros pour la soirée. Comment oser dire que ce sont des locaux séparés alors que les convives sont directement en contact avec les bassins ? »

Une question en suspens

Si deux députées parisiennes, Danielle Simonnet, (15e circonscription), et Sandrine Rousseau (9e circonscription) ont déjà alerté le ministre de la Transition écologique à ce sujet à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale, dont la dernière le 15 octobre dernier, la question reste toujours en suspens.

Dans le même temps, Alexis Powilewicz est, lui, bien embêté par la situation. « En tant qu’aquarium, notre rôle est de sensibiliser à la condition animale, et les soirées sont un moyen d’approcher un nouveau public. C’est difficile de se retrouver confronter à ces deux associations [il nomme ici Sea Shepherd également critique] qui ont un impact très positif pour la défense des animaux. Mais sans que nous puissions l’expliquer, ils nous ont pris en grippe depuis plusieurs années. »