Election américaine 2024 : Pourquoi et comment Biden cherche à « Trump-proofer » les institutions avant son départ
Avec son second mandat, Donald Trump devrait avoir un champ d’action bien plus large que lors de sa première présidence, au cours de laquelle certains garde-fous avaient limité ses prises de décision parfois radicales. Cette fois, le contexte politique a changé : le Sénat sera républicain et c’est bien parti pour la seconde chambre du Congrès aussi. Des éléments qui augurent d’un mandat plus radical, sans contre-pouvoirs solides.
Le président sortant (mais encore en exercice) Joe Biden a donc une très courte période pour consolider certains de ses acquis et de son héritage politique. Un peu moins de trois mois le séparent de la passation de pouvoir qu’il veut « douce » et pacifique. Le compte à rebours est lancé pour « Trump-proofer » la Maison-Blanche.
Purge politique et administrative contre les « ennemis de l’intérieur »
Pour son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump envisage de s’entourer de fidèles en remplaçant une grande partie de l’administration fédérale par des partisans. Le Projet 2025, soutenu par le groupe conservateur Heritage Foundation, a pour objectif de « démanteler l’État administratif ». De plus, l’Agenda 47 de Trump annonce des mesures radicales pour « nettoyer l’État profond » et ce, dès son premier jour au pouvoir, avec notamment un décret visant à redonner au président l’autorité de licencier des fonctionnaires qu’il jugerait « déloyaux ».
La mesure principale, connue sous le nom de Schedule F, permettrait de réorganiser la bureaucratie en rendant jusqu’à 50.000 (contre 4.000 actuellement) postes fédéraux accessibles aux nominations politiques. Des syndicats de fonctionnaires ont exprimé leurs craintes, indiquant que Schedule F pourrait affecter bien plus de postes que le nombre avancé par les partisans de Trump, qui auraient déjà constitué une liste de 20.000 candidats prêts à occuper des postes clés dans l’administration. L’objectif ? Assurer une loyauté sans faille. Une stratégie qui pourrait compromettre l’indépendance administrative et mettre sous contrôle politique des institutions censées limiter l’influence présidentielle.
Consolider son héritage politique
Pour garantir une protection durable des droits civiques, Biden envisage de renforcer les protections fédérales dans des domaines sensibles comme les droits des minorités, le droit à l’avortement et les droits LGBT. Selon le journaliste Ian Millhiser de Vox, « Biden pourrait utiliser des décrets exécutifs pour ériger des barrières juridiques difficiles à renverser », en espérant que certaines protections restent en place malgré la prise de pouvoir de Trump.
Sur le plan environnemental et sanitaire, Biden pourrait aussi nommer des hauts fonctionnaires loyaux dans des agences fédérales comme l’EPA (Agence de Protection de l’Environnement) ou le ministère de la Santé. L’idée étant de rendre plus difficile le démantèlement de programmes cruciaux pour la santé publique et la protection de l’environnement.
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« Verrouiller les alliances » internationales
À l’international, Biden pourrait solidifier les alliances pour ancrer la position des États-Unis sur la scène mondiale. La journaliste Susan Glasser explique qu’en renforçant les partenariats avec des alliés clés, Biden pourrait « verrouiller des alliances qui seraient coûteuses à ignorer, même pour un président comme Trump ».
Avant la fin de son mandat, Joe Biden devrait également renforcer la résistance contre l’administration Trump en mobilisant les gouverneurs et législatures démocrates. Ces États pourraient créer une coalition pour adopter des lois locales qui protégeraient des droits civiques ou environnementaux, avant même que des mesures fédérales ne soient appliquées. Selon le politologue Hans Noel qui s’exprimait sur France Info, cela pourrait « permettre de bloquer certaines politiques fédérales, notamment dans des États comme la Californie ou New York ».
Un rempart subsiste : le système judiciaire
Bien que Trump ait nommé de nombreux jugesconservateurs, le système judiciaire reste un rempart contre les abus de pouvoir. Biden pourrait travailler avec des juristes et des juges indépendants pour maintenir l’équilibre des pouvoirs et empêcher l’invalidation de protections essentielles.
Mais le contexte judiciaire autour de Trump évolue de façon complexe. Le juge en charge de l’affaire d’ingérence dans l’élection de 2020 a annulé tous les délais de procédure restants, car l’équipe du procureur spécial Jack Smith réfléchit à la façon de gérer les accusations à l’approche de l’investiture présidentielle. Selon le Département de la Justice, un président en exercice ne peut pas être poursuivi en justice, une règle qui pourrait protéger Trump pendant son mandat. Comme l’explique une source citée par Associated Press, l’équipe de Smith a besoin de temps pour « évaluer cette circonstance inédite et déterminer la suite à donner ».