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Allemagne : La fin de la coalition d’Olaf Scholz signe-t-elle le début d’une crise politique encore plus profonde ?

Emmanuel Macron a beau appeler à une collaboration étroite entre Paris et Berlin, après l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, il ne connaîtra la ligne de son allié que d’ici quelques mois. Car au même moment où le républicain fait son come-back à la Maison-Blanche, la coalition au pouvoir en Allemagne éclate. Mercredi soir, le chancelier Olaf Scholz a mis dehors ses anciens alliés du FDP, se retrouvant ainsi en minorité au Bundestag.

« Ce n’est pas un coup de tonnerre, dès la signature du contrat de coalition en 2021 il y avait eu des tensions », fait remarquer Jacques-Pierre Goujon, directeur de recherches à l’Iris et auteur de L’Allemagne, un enjeu pour l’Europe (ed. Eyrolles). Dans un pays en pleine reprise économique post-Covid, ces divisions ont pu être mises sous le tapis. Mais l’Allemagne se dirige désormais droit vers une deuxième année de récession. « Les tensions se sont cristallisées autour du Budget 2025 : les libéraux voulaient une politique budgétaire stricte, avec des coupes sociales et pas de politique de relance. Ce n’est pas dans l’ADN des sociaux-démocrates ni des Verts », explique Elisa Goudin-Steinman, professeure des universités en études germaniques.

Un pays ingouvernable ?

L’inscription dans la loi du frein à la dette, un mécanisme limitant le déficit budgétaire à 0,35 %, souhaitée par les libéraux, aura été le sujet fatal à cette « coalition des disputes », surnom donné par les citoyens allemands. Néanmoins, « Olaf Scholz n’est pas obligé de partir maintenant », souligne Jacques-Pierre Goujon. A la tête d’un gouvernement minoritaire, le chancelier a annoncé chercher des accords avec la CDU sur certains textes, repoussant la date d’un vote de confiance. « Dans son calendrier, les élections sont en mars, mais il peut y avoir des pressions. »

Pour Elisa Goudin-Steinman, « c’est étonnant d’attendre le 15 janvier pour demander la confiance, car le vote sera probablement négatif ». Olaf Scholz jugerait-il le contexte électoral trop tendu pour appeler les Allemands au vote dès maintenant ? « C’est un peu le chaos dans les trois Länder qui viennent de voter », reconnaît la spécialiste de l’Allemagne de l’Est.

La réunification « n’est toujours pas réalisée »

Lors des élections régionales du mois de septembre, les partis de la coalition y ont connu un cuisant échec, au bénéfice du parti d’extrême droite Alternativ für Deutschland (AfD). Mais « personne ne veut gouverner avec eux et on se retrouve avec des Länder ingouvernables ». Le même sort pourrait attendre le Bundestag, les sondages plaçant l’AfD en deuxième place des intentions de vote (18 %), devant le SDP d’Olaf Scholz.

Trente-cinq ans presque jour pour jour après la chute du Mur de Berlin, « la réunification n’est pas totalement réalisée », constate Jacques-Pierre Goujon. « Il y a toujours deux Allemagne », confirme Elisa Goudin-Steinman. « Le rattrapage économique a eu lieu, mais les différences culturelles s’exacerbent », ajoute-t-elle. Si le niveau de revenu en ex-RDA s’approche en effet de celui dex-RFA, sans toutefois l’atteindre, c’est surtout « le sentiment d’être des citoyens de seconde zone » qui domine et pousse les électeurs vers l’extrême droite, analyse Jacques-Pierre Goujon.

« Les institutions sont principalement dirigées par des Allemands de l’Ouest, peu de grandes entreprises ont leur siège à l’Est, les Allemands de l’Est sont peu représentés dans les médias », constate-t-il. A ces frustrations s’ajoute une incompréhension culturelle : l’immigration. Longtemps jugée nécessaire pour faire face au besoin de main-d’œuvre et à la démographie vieillissante à l’Ouest, elle n’est pas comprise à l’Est « où il n’y avait pas de politique migratoire avant la chute du Mur ». Alors que « l’industrie de l’automobile vacille et doit se réinventer », souligne Elisa Goudin-Steinman, cette question devient encore plus sensible.

Tout savoir sur la montée de l’extrême droite en Europe

« Le chemin commun est tout de même bien lancé », rassure Jacques-Pierre Goujon, qui n’imagine pas une nouvelle séparation de l’Allemagne. Mais cette crise intérieure ne va pas faciliter la tâche d’Olaf Scholz, qui doit déjà « rassurer ses partenaires européens après l’élection de Donald Trump », reprend Elisa Goudin-Steinman. Le poids de l’Allemagne en Europe est aussi en jeu, alors que les deux membres du couple franco-allemand sont fragilisés et que la Hongrie de Viktor Orban, qui préside actuellement l’UE, est proche de Donald Trump et de Vladimir Poutine. Avant sa sortie de scène programmée, il reste encore du travail pour le chancelier allemand.