Election américaine 2024 : Ces deux Français naturalisés ont voté pour la première fois… pas pour le même candidat
A Denver, Colorado,
Laetitia et Julien ne se connaissent pas, mais ont plusieurs points communs. Ils sont tous les deux Français. Tous les deux naturalisés américains. Tous les deux établis dans l’Etat du Colorado. Et tous les deux ont voté pour la toute première fois dans leur pays d’adoption mardi. Bien qu’ils partagent une expérience d’immigration et d’adaptation à une nouvelle culture, leurs choix politiques les opposent.
Laetitia a choisi de soutenir le ticket démocrate emmené par Kamala Harris, tandis que Julien a opté pour Donald Trump, le représentant du parti républicain. Deux choix qui révèlent des conceptions opposées des valeurs américaines et du rêve américain. 20 Minutes est allé leur rendre visite.
« Je veux défendre mes droits de femme, ceux de mes enfants »
C’est en pleine tempête de neige que Laetitia nous accueille dans son salon, dans la banlieue sud de Denver. La nuit a été courte pour cette conceptrice de sites internet et d’applications mobiles qui travaille de chez elle, dans un cadre cosy aux couleurs de l’Ouest américain. Pour elle, le vote pour Kamala Harris était « une évidence » car elle trouve que les républicains manquent de respect envers les droits fondamentaux. « Je veux défendre mes droits de femme, ceux de mes enfants », insiste-t-elle.
Cette Française naturalisée depuis un peu plus d’un an voit dans le mouvement démocrate une Amérique ouverte et inclusive : « Pour moi, c’est ça le rêve américain : donner une chance aux immigrés, ceux qui ont un accent, une autre couleur de peau, une autre orientation sexuelle. » Elle-même immigrée, Laetitia se sent pleinement acceptée malgré les différences. En votant pour la première fois, la Franco-Américaine de 35 ans a ressenti une profonde fierté d’appartenir à une société où, dit-elle, chacun doit pouvoir se faire entendre. « Après dix ans ici, pouvoir m’exprimer pour le futur du pays, c’est fort, » confie-t-elle, les yeux brillants d’émotion.
« Make America Great Again, c’est une invitation à construire, à aller vers l’avant ! »
Direction Broomfield, en banlieue nord de la capitale du Colorado. Julien Renaut est entrepreneur, et c’est dans une des cuisines de son réseau de boulangeries qu’il nous reçoit tout sourire. Son choix républicain repose sur une vision de l’Amérique comme terre de liberté individuelle et de responsabilité personnelle, deux valeurs qu’il estime essentielles. « Quand on vote, on choisit une manière de faire, un système. J’ai voté pour le parti républicain avant tout. Celui-ci était représenté par Donald Trump… donc j’ai voté Trump. » nous confie-t-il.
À 38 ans, Julien est profondément attaché au capitalisme, qu’il voit comme un moteur d’ascension sociale. « Il permet aux gens qui réussissent de faire avancer les choses », dit-il, estimant que créer des opportunités économiques pour soi-même et pour les autres contribue au bien-être collectif. « Réussir par soi-même, ça veut dire être libre, et c’est ça le rêve américain », ajoute-t-il. Selon lui, le slogan « Make America Great Again » incarne un idéal d’indépendance économique et de prospérité collective : « Une économie qui est bonne, c’est moins de conflits, moins de guerres, plus de développement. »
L’immigration, une vision en miroir
L’immigration a été l’un des thèmes centraux de la campagne de Donald Trump. Il avait d’ailleurs tenu un meeting à Aurora, une petite ville à l’ouest de Denver, d’où il promettait de lancer « la plus grande opération de déportation de l’histoire du pays ». Pour Laetitia, la question est personnelle. « Comment pourrais-je voter pour la fermeture des frontières alors que je suis moi-même immigrée ? » s’interroge-t-elle. L’immigration fait selon elle partie intégrante du rêve américain. « Je comprends tout à fait ces gens de pays en guerre qui veulent trouver une meilleure situation pour eux, leurs enfants », ajoute-t-elle, « on l’a fait aussi ».
Julien adopte une position plus nuancée. Bien qu’il comprenne les défis auxquels sont confrontés les immigrés, il souligne que « l’immigration ne va pas s’arrêter aux États-Unis parce que c’est un pays républicain, c’est juste que c’est beaucoup plus contrôlé ! ».
Retrouvez notre dossier sur la présidentielle américaine 2024
Entre urgence climatique et priorités économiques
Si Joe Biden a fait de la lutte contre le changement climatique une priorité de son mandat, Donald Trump a quant à lui souvent minimisé l’importance de ces enjeux, allant même jusqu’à se retirer de l’accord de Paris sur le climat en 2017. L’écologie est un sujet de division pour nos deux Français récemment naturalisés. Laetitia s’inquiète que la politique des quatre prochaines années se concentre trop sur les enjeux internes, au détriment des préoccupations mondiales. « Pourquoi avoir des enfants si on ne fait rien pour l’avenir de la planète ? Ça me fait vraiment peur. »
Julien, lui, est plus sceptique. « L’écologie, ça fait beaucoup de bruit, mais c’est très hypocrite », critique-t-il. Pour lui, il est plus important de se concentrer sur les technologies innovantes, capables de répondre aux défis environnementaux tout en soutenant la croissance économique : « Est-ce que l’écologie doit être une priorité ? Je ne suis pas convaincu. »
Un rêve américain partagé, mais interprété différemment
Malgré leurs divergences, Laetitia et Julien se rejoignent dans leur attachement à l’Amérique, mais chacun l’interprète donc à sa manière. On l’a vu, Laetitia valorise l’ouverture d’esprit et la possibilité de réussir en dépit des différences culturelles et sociales. Julien, pour sa part, voit dans ce rêve la liberté économique et l’opportunité de réussir par l’effort individuel. Et c’est son idée qui l’a emporté pour les quatre prochaines années.