Vendée Globe 2024 : « J’aimerais que ce soit le dernier »… Et si Samantha Davies s’arrêtait là ?
Elle est la navigatrice préférée des écoles. A bord de son nouvel Imoca Initiatives Cœur, Samantha Davies prendra le départ de son quatrième Vendée Globe avec la même mission : celle de sauver des enfants en récoltant des fonds pour l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque. Après une prometteuse troisième place sur The Transat avant l’été, la navigatrice britannique espère aussi briller pour ce qui pourrait être son dernier tour du monde en solitaire.
A 50 ans, celle qui est installée à Lorient et maman d’un garçon de 13 ans, se présente parmi les outsiders derrière les favoris que sont Charlie Dalin, Yoann Richomme, Jérémie Beyou ou Thomas Ruyant. Après une superbe 4e place en 2008 sur Roxy, Sam Davies avait dû abandonner en 2012 avant d’être disqualifiée en 2020 pour avoir fait étape à terre. En 2024, c’est avec un esprit revanchard et un bateau tout neuf spécialement conçu pour elle que l’Anglaise prendra le départ. A l’entendre, cela pourrait être le dernier.
Samantha, ce Vendée Globe, ce sera vraiment votre dernier ?
Ce sera mon quatrième départ. C’est vrai que j’aimerais bien que ce soit le dernier. Parce qu’il ne faut pas non plus faire ça toute sa vie. Ces bateaux sont violents. J’aimerais bien pouvoir marcher quand j’aurai 60 ans ! Cette course, ce n’est pas le truc le plus gentil pour le corps humain. Actuellement, je me sens bien. Mais je me dis que si je continue à le faire, je vais peut-être me lasser. Je me dis que j’aimerais bien faire un super Vendée Globe et passer à autre chose.
Votre décision est-elle déjà arrêtée ?
Non. Quand on fait une prépa au Vendée Globe, c’est dur de penser au futur. C’est un gros piège de trop réfléchir à la suite car souvent c’est le Vendée Globe qui décide ce que tu fais après. C’est tellement dur que si tu te lances trop tôt, tu t’épuises. Je ne réfléchis pas trop à ça. Je voudrais tellement pouvoir sauver plein d’enfants avec Initiatives Cœur. Je n’ai pas de temps à consacrer à penser à la suite.
L’envie de naviguer est-elle toujours là ?
Bien sûr ! Au début de ma carrière, j’ai toujours dit : j’adore tellement la voile que je ne veux jamais me lever le matin en me disant je suis obligée d’aller. Aujourd’hui, j’ai 50 ans et il n’y a pas un jour où je n’ai pas envie d’y aller. J’ai envie que ça reste ! Je ne suis pas sûre d’avoir encore envie de faire un Vendée Globe après celui-là mais je ne vais pas arrêter de naviguer non plus. Il y a d’autres courses, en équipage par exemple. J’adore la classe Imoca donc j’aimerais continuer à y naviguer, mais peut-être laisser ma place sur le Vendée à quelqu’un d’autre. Mais c’est dur de penser ça.
D’autant que vous naviguez pour la première sur votre bateau, un Imoca conçu pour vous…
Oui, c’est la première fois. Quand j’ai démarré, je me sentais très attachée à mon premier bateau (PRB, devenu Roxy, seul bateau à avoir gagné deux fois le Vendée Globe en 2000 et 2004). J’avais l’impression que c’était le bateau qui m’emmenait car il en avait déjà fait deux. Limite quand je ne savais pas quoi faire, je le laissais faire, je savais qu’il avait tout vécu. Aujourd’hui, c’est l’inverse, c’est moi qui dois emmener mon bateau autour du monde, le guider. C’est un autre stade de carrière. Je vais lui apprendre des choses.
Vous avez notamment cherché à améliorer (un peu) le confort à bord ?
C’était super important pour moi d’optimiser la vie à bord. Comme on va plus vite, le confort est réduit, donc on a aménagé l’intérieur pour pouvoir supporter la violence de la vitesse. On a mis au point un nouveau fauteuil pour le pilotage, qui permet d’être sur un amortisseur. Ce n’est pas du luxe mais on est en sécurité. Je me suis cassé deux côtes sur le dernier Vendée Globe en étant projetée dans mon bateau.
Celui-ci, il est encore plus puissant, plus moderne. Il est plus costaud mais il est aussi plus raide. Il passe très bien dans la mer avec des foils très longs et puissants. Ça le fait accélérer mais ça met aussi des charges. Depuis, je porte un casque, plusieurs même, qui sont différents, et je fais vraiment attention à mes déplacements pour ne pas me blesser.
Comment on se prépare physiquement pour partir si longtemps en mer ?
Dans le bateau, ça tape tellement fort que je suis tendue en permanence, à tel point que parfois j’ai du mal à avaler la nourriture. On est tellement gainés avec les muscles profonds que l’on serre en permanence pour tenir et ne pas tomber. Tenir comme ça pendant une dizaine de jours ça va, mais pendant deux mois et demi ou trois mois, c’est impossible. Pour me préparer, je fais pas mal de musculation, des étirements. Je fais souvent des séances de piscine, parfois un peu de vélo, des séances de pilate. J’aime bien être dehors donc j’apprends à faire du wingsurf. Je fais du surf aussi, même si je ne suis pas très forte. Ça fait de super séances de prépa physique ! Quand c’est calme, je fais de grandes randos avec des copines le week-end. C’est mon sport plaisir. Ça fait partie de ma prépa mentale.
Vous avez un garçon de 13 ans, qui sera seul pendant trois mois. Comment va-t-il vivre pendant votre absence ?
Il va aller au collège, faire ses devoirs. Ce sont des amis qui s’occupent de lui. Son papa fait de la voile aussi (Romain Attanasio, qui sera aussi au départ de la course). C’est une amie qui vient habiter chez moi. C’est un peu sa nounou ! Bon, ce n’est peut-être pas le bon mot car il a 13 ans maintenant. Mais à chaque Vendée Globe, il a eu une vie très sociable car tout le monde venait le voir ou l’accueillait. Des amis, de la famille… Il est tout le temps invité chez des copains ! Et heureusement. Car c’est hyper dur de penser à son enfant quand on est en course. Mon autre enfant, c’est mon bateau. Si je veux performer, il faut que puisse partir sereine, que je sache qu’on va bien s’occuper de lui, sans nous, malgré tout ce qui peut lui arriver.
C’est dur de le quitter au moment du départ ?
Si je dis non, les gens vont penser que je suis une mère horrible (rires). Mais je dirais non, car j’essaye de tout organiser pour que le moment du départ ne soit pas dur. Sinon, je ne partirais pas, je ne serais pas bien dans ma tête. Après, au moment des au revoir, c’est sûr qu’on est tristes quand on sait qu’on part pour deux mois et demi. On fait le choix de se dire au revoir avant, entre nous. L’ambiance de départ de Vendée Globe, c’est un contexte émotionnel un peu lourd. C’est un peu naze d’être là sur le ponton le jour du départ. Lors du dernier Vendée, on n’avait pas envie de vivre ça donc on s’est dit au revoir trois jours avant et il a regardé le départ à la télé. Ça fait partie de la préparation mentale, c’est essentiel de l’anticiper.